The Division est un jeu détestable : le fantasme paramilitaire dans les rues de Manhattan, l’éloge de la loi martiale, très peu pour moi. Et pourtant, grâce à la rigueur de ses mécanismes, le MMO-TPS d’Ubisoft est passablement plaisant.
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A New York, l’heure est grave : des terroristes ont profité des soldes du Black Friday pour diffuser un virus dévastateur, qui a tué en quelques jours la majorité des consommateurs citoyens, avant de se répandre dans le monde entier. Manhattan est devenu un no man’s land, où l’homme est un loup pour l’homme. C’est sans doute un coup de Bernie Sanders, qui d’autre déteste autant le marché libre ? Jamais à cours de ressources, l’Etat fédéral a heureusement sous le coude une brigade d’agents dormants – on ne se méfie jamais assez des ennemis de l’intérieur —, capables de prendre en main la situation : c’est la Division éponyme, dont le joueur incarne l’un des commandos en doudoune.
Si l’improbable du scénario a de quoi faire se retourner Tom Clancy dans sa tombe [1], l’auteur de La Somme de toutes les peurs cautionnerait sans doute le fantasme paranoïaque néo-conservateur qui hante The Division. Pour résumer : sous le vernis policé garanti par les autorités, la barbarie affleure. Il suffit qu’une catastrophe bouscule l’Etat policier pour que la loi du plus fort reprenne son droit, et que la société, qui n’était qu’un leurre – « There is no such things as society » proclamait Margaret Thatcher —, s’atomise en gangs, clans, ou en individus sans défense, victimes des bandes qui sèment la terreur. Dans les rues glacées de Midtown, le joueur croise des militaires amis de la JTF, ou des ennemis à abattre comme des chiens ; les rares civils errent comme des âmes en peine, incapables de s’organiser – on les voit parfois se disputer, comme deux SDF autour d’une bouteille —, sans famille, sans ami, sans communauté. Seules les bases de la Division, tapissées de star spangled banners, offrent un semblant d’ordre, assuré manu militari.

Comme l’écrit sur Killscreen Gareth Damian Martin, dans son article « The Perverse Ideology of the Division », le jeu de Massive — qui coordonne le mécano développé en association avec une ribambelle d’autres studios Ubi — diffuse, sans avoir toujours l’air d’y toucher, une vision du monde franchement réactionnaire : il s’agit en effet de faire régner l’ordre en massacrant à la chaîne aussi bien des petits voyous ou des ex-taulards que des éboueurs qui prônent la purification au napalm ; le petit peuple comme « classe dangereuse », ramassis de racailles ou de fanatiques, barbares infiltrés parmi nous. Que la dernière faction ennemie soit constituée de mercenaires qui ont cessé d’obéir à leurs patrons de Wall Street ne change pas vraiment la donne : le jeu prône la violence policière sans retenue, et pousse dans ses plus extrêmes retranchements la théorie de la vitre brisée. Si c’est louche, autant tirer dessus. Les premiers ennemis que croise le joueur sont des "rioters", des émeutiers, et l’on n’est qu’à un léger glissement sémantique, au hasard, des manifestants — pacifistes dans leur grande majorité — qui s’insurgeaient à Ferguson contre les violences policières.
« Sous le vernis policé garanti par les autorités, la barbarie affleure »
Et Gareth Damian Martin de conclure : « le titre même du jeu ne me fait plus penser à un terme militaire, mais à une division entre "eux et nous", entre "les possédants et les dépossédés", il fait référence à la politique de répression et de ségrégation que prêche le jeu. The Division s’acharne à criminaliser les pauvres, à caricaturer la lutte des classes ». Le jeu essaye bien d’introduire quelques voix discordantes par le biais de personnages secondaires, ou d’enregistrements qui remettent en cause les méthodes employées par les forces de maintien de l’ordre. Mais ces velléités critiques sont bien trop timides pour changer l’impression d’ensemble. Il va falloir que les scénaristes d’Ubisoft revoient leur discours contestataire s’ils veulent que leur progressisme fasse hésiter un instant Vincent Bolloré. Parce qu’en pratique, on passe son temps à interrompre des deals d’arme à la kalach’, à négocier la fin de prises d’otage à la Poutine, au point que le jeu ferait passer Donald Trump pour un dangereux modéré et Manuel Valls pour un anarcho-syndicaliste, disciple de Durutti.

On aura beau jeu de nous rétorquer que les circonstances exceptionnelles appellent des mesures qui ne le sont pas moins. Mais il ne faut pas oublier que les circonstances en question sont le fruit de l’imagination fébrile des créateurs du jeu : à ce qu’on sache, à ce jour, Manhattan n’est pas une zone de guerre. Et la comparaison avec les Etats faillis qui existent réellement montre à quel point le fantasme d’une déliquescence totale de la fibre sociale est loin de la réalité : même en Somalie ou en Syrie, la vie quotidienne poursuit bon gré mal gré son cours.
Peut-être faut-il mettre une partie de l’insensibilité des développeurs sur le compte de la distance culturelle ? Vu de Malmö, New York serait alors un ailleurs où l’on peut imaginer tout et n’importe quoi ? Il me semble qu’un consultant Américain à peu près lucide aurait immédiatement compris les implications du scénario dans le climat social actuel. En comparaison, le choix opéré par Bungie d’une SF sans queue ni tête semble justifié : jamais en jouant à Destiny, massacrant des ennemis dont l’apparence affirme la fictionnalité, je n’ai éprouvé le malaise nauséeux qui m’envahit souvent avec The Division.
Le fantôme de Manhattan
Il n’est pas très malin d’utiliser une ville réaliste, chargée de symboles, comme décor d’un jeu qui tient du tir au pigeon et de la chasse au piñata, quelque part entre Diablo, le MMO et Gears of War. Evidemment, certaines vues d’un Manhattan enneigé reproduit à taille réelle sont belles à couper le souffle. Mais même si l’on laisse de côté l’irrespirable politique du jeu, quelque chose cloche dans le cadre.
Je sais bien que je n’ai pas mis les pieds à New York depuis des années, que le centre-ville a entre temps été gentrifié à mort, et que de nos jours ça se passe à Brooklyn : mais il me semble malgré tout que ce qui (a) fait de Manhattan l’un des lieux les plus fascinants du monde, ce n’est pas le Flat Iron Building, ni le Madison Square Garden, ni même l’Empire State Building – qui n’est pas dans le jeu, faute de droits semble-t-il, génie du libéralisme —, mais plutôt l’énergie de la grande ville, son animation permanente, ses foules bigarrées. Vidée de sa substance, New York devient rapidement aussi excitante à parcourir que Pyongyang un jour d’exercice de confinement. Pour tout dire, il y a plus de New York dans deux écrans pixelisés d’un Blackwell Epiphany que dans la grandiloquente reconstruction qu’en produit Ubisoft. Certes, les missions nous entraînent dans des lieux fascinants : grands magasins, gigantesques tunnels ferroviaires, et on nous demande même de rallumer Times Square. Mais l’esprit n’y est pas, et la ville n’est qu’une coquille jolie vide.
On retrouve par ailleurs les tares caractéristiques de l’open world façon Ubisoft : les missions secondaires se répètent à l’identique ou presque, l’exploration se résume trop souvent à ramasser des bidules sans intérêt, si bien qu’au bout de quelques heures tout cela tient plus de la corvée que du plaisir. Les rues de New York, qui forment une grille rigide – le jeu n’utilise guère la verticalité —, n’aident pas à varier les parcours, et l’on peste souvent à cause des détours que le moindre déplacement nous impose : au lieu de plonger en immersion dans la ville post-apocalyptique, on opte vite pour la téléportation entre les bases. D’autant qu’à mesure qu’on progresse dans le jeu, le traversal ne change pas d’un pouce : on continue à se déplacer à pied, et l’on tombe dans les mêmes escarmouches d’un bout de Midtown à l’autre.
« New York sous le givre, au bout de cinq heures, c’est déjà déprimant »
J’entends bien que s’il s’agit pour Ubisoft de vendre des boîtes, la simple promesse d’un Manhattan plus vrai que nature peut suffire : il semble bien que The Division ait remporté un franc succès commercial. Mais le jeu tiendra-t-il sur la durée, comme a su le faire Destiny avant que le manque actuel de mises à jour ne mette en pause le MMO-FPS de Bungie ? Le parti-pris glauque photo-réaliste risque de gêner le développement sur le long terme. New York sous le givre, au bout de cinq heures, c’est déjà déprimant, on se demande qui sera encore là dans quelques mois. La perspective de DLC pour prolonger l’aventure paraît peu enthousiasmante : aller visiter Central Park ou Wall Street, on ne peut pas dire qu’on en meure d’envie.

Même problème en ce qui concerne les ennemis : fantasmer de descendre des ados à capuche, ça va bien cinq minutes, mais les possibilités ludiques sont limitées. Passons sur l’ahurissante dissonance ludo-narrative qu’il y a à devoir vider un chargeur sur un type en jogging avant de lui faire mordre la poussière, ou à mourir d’un coup de batte quand on encaisse sans sourciller trois rafales et deux grenades, après tout on a l’habitude. Ce qui est plus gênant c’est que ces ennemis sont terriblement ennuyeux, quand on imagine ce que The Division aurait pu donner avec un peu de folie capcomienne (Resident Evil, Dead Rising), ou en allant chercher des références fantastiques du côté de Ghostbusters : quitte à mitrailler à tout va, j’aurais préféré que mes cibles soient des hommes-marshmallows. Allons, Massive, laissez tomber ce Tom Clancy de mauvaise augure, et donnez-nous n’importe quoi de plus rigolo, ne serait-ce, comme le suggère malicieusement Laurent Braud, qu’un Woody Allen’s The Division et sa cohorte de jeunes intellectuelles névrotiques à séduire.
Joy Division ?
On s’amuse, et on aimerait bien pouvoir jeter avec dédain The Division à la poubelle. L’ennui, c’est que sous la gangue néo-con dépressif, il y a un bon jeu, peut-être l’un des meilleurs TPS en coopération depuis la grande époque des Gears of War. On s’en voudrait alors de dédaigner le travail remarquable des game et des level designers d’Ubisoft : c’est la dure loi de la critique vidéoludique AAA que de savoir apprécier de manière relativement indépendante les différentes étages du mille-feuille, fût-il enrobé de vomitif. [2]
D’abord, les missions enchaînent les moments de bravoure. Sorte de donjons scriptés, jouables jusqu’à quatre, elles constituent le cœur du jeu et mettent en valeur la solidité du système de combat. Planqué derrière un muret de béton – peut-être le TPS est-il par essence un genre paranoïaque —, sous les rafales adverses, il s’agit de contenir les vagues successives, de contourner avant de l’être à son tour, de donner la priorité aux différentes menaces, de mêler stratégie et flexibilité tactique. Pour cela, le jeu nous offre une variété de verbes, par le biais d’armes au maniement chirurgical, et de capacités spéciales qui permettent de faire pencher la balance en notre faveur : un soin de zone pour tenir en cas de coup dur, une tourelle pour faire diversion, un doudou de béton déployable à volonté etc. L’éventail des possibles, surtout à plusieurs, est enthousiasmant, la tension, constante. Dans les tunnels du métro, sur les toits des immeubles, du haut d’une grue, on se bat avec acharnement, on réanime son coéquipier, on tente une sortie désespérée pour récupérer un chargeur, au point d’en oublier tout le reste.
« Qu’importe le flacon, l’ivresse des chiffres, la soif d’optimisation, la torpeur du farming sont bien là »
Enfin presque, puisqu’il y a le loot, qui dans la plus pure tradition des Diablo-likes, nous rive à la manette jusqu’au bout de la nuit. On raillera tant qu’on voudra l’obsession de l’accumulation qui nous anime, on pourra toujours fustiger la vanité de cette quête incessante de puissance : le loot de The Division est beau comme une table de logarithmes. Certes, les armes en elle-même n’ont pas le pouvoir évocateur des pétoires exotiques d’un Destiny : un AK47 avec +x% en critique et un chargeur XXL n’est pas tout à fait Gjallahorn. Mais qu’importe le flacon, l’ivresse des chiffres, la soif d’optimisation, la torpeur du farming sont bien là : rythmer les récompenses a beau s’adresser au cerveau reptilien, ce n’en n’est pas moins un art, que maîtrisent plutôt bien les développeurs de Massive & compagnie.
Dernière réussite, la Dark Zone, niveau ouvert qui mélange PVE et PVP, un peu à la manière d’un DayZ – en plus accessible — : s’y aventurer, seul ou en groupe est une aventure paranoïaque, car les ennemis y sont dangereux, que le précieux loot n’est pas en sécurité avant qu’on l’ait extrait par hélicoptère, et que les autres joueurs qu’on surveille du coin de l’oeil peuvent se transformer en redoutables antagonistes. Il reste sans doute du travail à Massive pour que l’équilibre entre risque et récompense soit satisfaisant. Mais la zone constitue sans doute la meilleure idée du jeu, et montre que le développeur a su s’inspirer des innovations du jeu en ligne indépendant.
Le jeu n’est pas désagréable en solitaire, mais il prend tout son sel à plusieurs : rien de tel qu’un peu de compagnie pour se moquer des incohérences scénaristiques — "dans le prochain DLC on combat des profs grévistes ?" —, et pour apporter de l’imprévisible aux missions réglées comme des mécanismes d’horlogerie. On comprend mal, dès lors, que le jeu soit d’une rigidité d’un autre temps lorsque des partenaires ne sont pas du même niveau : il suffit de quelques paliers d’écart pour que le jeu coopératif soit presque impossible, alors qu’un jeu comme Final Fantasy XIV fait baisser le niveau du personnage plus expérimenté, ce qui permet d’aider un ami à la traîne. Il est particulièrement pénible de ne pas pouvoir partager l’aventure de camarades de jeu un peu plus prompts à monter d’échelon : un peu comme si l’atomisation des rapports sociaux dans le chacun pour soi contaminait les mécanismes ludiques.
Ce genre de détails, comme le manque d’équilibrage et de contenu endgame — c’est ainsi qu’on cause chez les analystes sérieux —, montrent que Massive a encore beaucoup à apprendre. Les développeurs seront-ils capables de le faire avant que le prochain jeu du moment ne remplace The Division ? Difficile à dire. D’autant qu’au pire, si le TPS à la sauce Clancy faisait long feu, on s’en remettrait. En attendant, pour peu qu’on digère une bonne dose de bêtise réac, il y a de quoi s’occuper quelques heures dans la fantaisie sécuritaire de Massive.
Notes
[1] Sur Zam.com, Robert Rath explique pourquoi The Division est un mauvais jeu Tom Clancy.
[2] Quand on s’est amusé par le passé avec des perles antimilitaristes de la trempe de Green Beret (Konami, 1985) ou Operation Wolf (Taito, 1987), on ne la ramène pas trop.
Vos commentaires
Laurent Braud # Le 29 mars 2016 à 09:07
Rainbow Six est le seul Tom Clancy que j’ai lu ; le pitch ne diffère pas tellement — le virus se diffuserait pendant les JO, à la place du Black Friday. Et même si ça se passe avant l’attentat, l’équipe paramilitaire du titre, qui a tous les droits et tous les moyens, ressemble un peu à la Division. Par contre c’est vrai que l’idéologie est assez limite, oscillant entre l’anarcholibéralisme (Etat = socialisme = démon, heureusement qu’on a toujours des armes sur nous) et le patriotisme aveugle (Etat = patrie = notre bouclier contre les Méchants). Les chapitres qui rapportent les pensées d’un ex-KGB, en particulier, sont de véritables friandises.
simon # Le 29 mars 2016 à 10:09
Le jeu est ultra réactionnaire en effet mais ca ne m’a pas choqué + que ça car c’est la tendance des années post 11 septembre avec entre autre les 24 et compagnie.
J’ai pris le jeu comme du post-apo et du coup les ennemis m’ont fait le même effet que les gangs de Fallout New Vegas. Apres l’écriture d’Ubisoft n’aide clairement pas mais depuis les tous premiers Assassin’s Creed il n’y a plus grand chose a attendre d’eux coté narratif (a part peut être l’écriture de Vaas dans Far Cry 3 qui détonne au milieu du reste d’un jeu qui est bien caricatural aussi)
Poppy # Le 29 mars 2016 à 11:04
L’article ne nie pas les éléments du jeu qui vont à l’encontre de son supposé propos sécuritaire, en particulier vis-à-vis des petites gens, mais il les considère comme négligeables dans l’impression d’ensemble. Question de point de vue : ils sont pour moi assez nombreux et peu ambigus pour montrer qu’Ubi a bien pris soin de prendre clairement ses distances avec une manière expéditive et stigmatisante de faire régner l’ordre. Martin, peut-être n’as-tu pas prêté suffisamment attention à tous ces téléphones portables et échos qui donnent une coloration franchement différente de celle que tu décris ? Je ne prendrais qu’un seul exemple : on trouve l’écho d’une scène dans les cellules d’un commissariat qui montre un policier défendant des petits voyous de la vindicte du LMB, en expliquant qu’ils n’ont pas fait grand-chose, que ce ne sont pas des criminels. C’est assez clair, non ?
Nicolas Turcev # Le 29 mars 2016 à 16:40
Poppy : si tu dis ça mais qu’après derrière tu continues à flinguer des jeunes à capuche par centaines, c’est faible.
Sinon pour moi, tout est là : "Et la comparaison avec les Etats faillis qui existent réellement montre à quel point le fantasme d’une déliquescence totale de la fibre sociale est loin de la réalité : même en Somalie ou en Syrie, la vie quotidienne poursuit bon gré mal gré son cours." Ca disqualifie complétement le réalisme supposé.
Poppy # Le 29 mars 2016 à 20:27
Il n’y a rien dans le jeu qui dit que les émeutiers que tu croises dans la rue et qui t’attaquent systématiquement sont les mêmes que les gentils petits voyous qu’un flic cherche à protéger de la LMB (les paramilitaires).
Peut être que le jeu peut parfois donner l’impression de jouer les équilibristes niveau cohérence à force de chercher à désamorcer son setting de départ, mais pour que ce que j’en ai vu, Ubi ne s’est pas trop mal débrouillé dans l’affaire.
Laurent Braud # Le 29 mars 2016 à 21:31
Apparemment la question n’est pas si oui ou non le jeu nous fait jouer quelqu’un à l’idéologie douteuse. De toute façon jouer un salaud c’est rigolo, d’ailleurs on en parlait l’autre jour avec Factorio. Le problème c’est justement cette situation limite que vos commentaires révèle bien : on ne sait pas trop quoi penser, comme si le jeu donnait d’un côté, reprenait de l’autre.
Poppy # Le 29 mars 2016 à 22:17
Voila c’est ça, le jeu navigue entre deux eaux. Mais en quoi est-ce un problème ? Moi j’y vois une aspérité qui peut stimuler l’attention du joueur à propos de ce qu’on essaie de lui raconter. Et puis ce n’est pas facile dans ce contexte de deviner ce que le scénario peut bien réserver pour la suite. De la même manière, The Division alterne propos sérieux et moments rigolos. Après avoir buter un boss des rikers ou des émeutiers, je ne sais plus, notre correspondant local des autorités de mémoire nous dit : "Bon débarras ! Petit déjà il fouillait les poches des retraités qui faisaient la queue dans les drugstores pour leur voler leurs billets de loterie". Ca m’étonnerait que le jeu veuille dire par là qu’il méritait la mort...
YEAH # Le 30 mars 2016 à 09:01
Du coup, je suis assez déçu de ne pas m’être un peu plus intéressé à ce jeu, histoire de me faire une opinion sur les nuances que peut proposer le scénario sur son message comme le souligne Poppy.
Mais je n’y peux rien, la mécanique, même si elle est bien huilée, de se mettre à couvert/ tirer/looter, c’est juste un condensé de gameplay qui me passe par dessus la capuche !
En fait The Division me paraît tout à fait banal, au succès garanti par une D.A qui profite du prestige de la ville et de son aspect réaliste, gage d’attirance d’un large public (en témoigne les commentaires d’amis qui ne jouent pas beaucoup au JV, mais qui ont littéralement adoré se plonger dans un New York en proie au chaos, comme si la fiction, pour eux, ne pouvait s’affranchir d’une base réelle).
Autre théorie, la dissonance ludo-narrative, dans une certaine mesure, réduit peut-être l’impacte "vomitif" du ressenti pour la plupart des joueurs. Le jeu, par ses mécanismes, nous rappel qu’il est un jeu, et n’ayant suivi que quelques séances de Twitch pour me faire un avis, j’ai eu l’impression que les joueurs étaient juste satisfaits d’avoir une ambiance de jeu cohérente accouplée à un gameplay bien roulé. Le reste n’était que de l’habillage.
Pour la suite, j’imagine le même jeu, au printemps, dans un autre quartier de New York. Ouais.
Cédric Muller # Le 30 mars 2016 à 10:52
Des armes. De la guérilla. New York. Un scénario des plus classiques. Un ludisme pour adultes. En fait, tout le monde parle de ce jeu car il vient de sortir, mais je ne comprends pas, enfin, je n’ai pas envie de comprendre. J’ai mille ans. Imaginez les histoires que l’on vous raconte, observez ce que vous ingurgitez. Nous sommes constitués de ce que nous mangeons. Même avec des potes, j’ai bien mieux à faire. Non vraiment, vous ne me dégoûtez pas, mais je suis un petit peu surpris. Normal.
Bobophonique # Le 30 mars 2016 à 12:27
Une bonne partie des jeux vidéo consiste à pratiquer une violence fictive ; catharsis, tout ça, pas besoin de développer... Du coup leur trame narrative tend à devoir justifier l’usage de la violence par nécessité logique, plus que par choix idéologique il me semble. Du coup, pratiquer une analyse marxiste de scénario de shooter peut paraître aussi puéril que compter les noirs/femmes/gays/native americans dans les films par exemple...faire le bien ne peut pas être aussi simple. Ne devenons pas aussi inconséquents que nos amis américains qui saupoudrent leur matérialisme borné de bouffées de conformisme puritain, en oubliant en l’occurrence que ces temps-ci, ce sont plutôt les types à capuche qui mitraillent leur prochain. Ceci dit sans généralisation ni prétention d’"analyse politique".
Débilophonique # Le 31 mars 2016 à 03:47
@Bobophonique :
On a tout dans ce message :
Le "c’est de la catharsis, c’est fictif, c’est qu’un jeu" donc ce ne serait pas sérieux
Le point Karl Marx
La disqualification d’une analyse de la représentation des minorités dans les films
Le "conformisme puritain" qu’on pourrait traduire en "politiquement correct"
Une référence bien sentie aux attentats
Soit au moins 4 points sur 5 qui n’ont rien à voir avec le sujet traité dans l’article — qui n’est ici pas sérieusement discuté.
Bref, un anti-intellectualisme dont on se demande ce qu’il vient faire sur un des seuls sites francophones qui tente de réfléchir le jeu vidéo avec les sciences sociales.
En tout cas merci pour cet article intelligent. Ubisoft est décidément coutumier des AAA aux pendants clairement réactionnaires après le triste Assassin’s Creed:Unity et le pas moins consternant Watch Dogs, respectivement pour une vision conspirationniste et contre-révolutionnaire de la Révolution Française et pour une vision de la justice et des femmes qui faisait froid dans le dos. Avec chaque fois un gameplay qui s’accorde parfaitement avec le scénario pour former un tout anxiogène, surtout lorsqu’on se rend compte que l’on prend du plaisir à y jouer.
Guillaume # Le 31 mars 2016 à 08:04
Suite à différentes lectures sur le jeu, j’ai vraiment l’impression que les créatifs d’Ubisoft n’ont pas franchement réfléchi à ce qu’ils faisaient, que l’écriture du jeu s’est faite de manière un peu "automatique" et reflète une certaine ingorance. Ce que je trouve personnellement plus déprimant que d’être réac’ de manière assumée...
Perso, j’attends toujours le jeu qui me donnera le droit de descendre impunément des banquiers qui mettraient la ville à feu et à sang, ou des politiciens qui profitent du chaos pour faire voter des lois sécuritaires... Du contenu pour the division 2 ?
Poppy # Le 31 mars 2016 à 10:00
Débilophonique, as-tu au moins touché à The Division pour en conclure ce que tu en conclus ? Je n’ai pas l’impression. Et à AC Unity ? A Watch Dogs ?
J’ai l’impression que beaucoup ici prennent pour argent comptant ce que d’autres sur la même longueur d’onde qu’eux veulent bien leur dire.
Bobophonique # Le 1er avril 2016 à 09:25
@mon confrère phonique "Débilo" : si je peux me défendre, je ne suis ni anti-intellectuel, ni même anti-marxiste (donc aucun "point" ici : analyse marxiste signifie pour moi "analyse qui tend à décrire la société comme structurée par une lutte entre un groupe dominant et un groupe dominé), donc c’est vous qui sautez aux conclusions.. Quand aux attentats, désolé de cette grossièreté mais là où j’habite, on ne les oubliera pas de sitôt, et j’ai tendance à y penser dès que j’entends un discours d’analyse politique... Mais c’était peut être hors de propos, et je vous prie de m’en excuser.
Là où vous touchez juste, c’est que mon intervention visait à semer le doute, auprès des gens intelligents qui animent ce site (comme vous-même), sur la pertinence de ces dites "sciences sociales", qui ne sont ni des sciences (pas de théories "falsifiables"), ni vraiment sociales, vu qu’elles émanent de la culpabilité post chrétienne de petits bourgeois comme moi-même.
Enfin, il est injuste de m’accuser de hors sujet quand l’article que je commente est largement consacré à élargir le propos du jeu vers des questions politiques... Que je discute donc.
ilham # Le 2 avril 2016 à 11:06
commen vous avez fabricer le jeu
Martin Lefebvre # Le 3 avril 2016 à 19:05
@Poppy.
Je ne rejette pas le discours que peut produire le jeu par le biais de ses audiologs par exemple, je le minimise parce qu’il est périphérique dans le dispositif. Il y a sans doute dans la grosse machine un ou deux scénaristes qui a dû se dire que ça craignait, mais ça ne change pas vraiment l’ensemble, d’autant que pour moi le scénario d’un jeu online à la Diablo est proche de l’inaudible face au reste à penser (le loot, le système de combat, etc.) : je ne sais pas si je suis représentatif des joueurs, mais j’ai l’impression que la plupart des gens ne sont pas réceptifs à cela.
Et puis si le jeu voulait construire un autre discours, en le rendant accessible — c’est un jeu de grande consommation, ça me paraît discutable de faire passer le discours par le biais d’équivalent des petits caractères en bas d’un contrat —, il aurait été aisé de le faire autrement. La fiction post apocalyptique n’est pas nécessairement sécuritaire, comme le montrent par exemple les films de John Romero, et à mon sens pas mal d’open worlds contemporains réussissent à faire passer une toute autre vision de la société (Just Cause, les Saints Row). Si les "gangs" ne sont pas juste de la racaille, pourquoi ne pas inciter notre agent à faire équipe avec certains de leurs représentants ? Je veux dire, dans les circonstances difficiles, on doit parfois avoir des alliés de circonstance, ça éviterait de peindre en noir et blanc. Même NY 97, qui n’est pas un film marxiste — et dans Attack on Precinct 13 les gangs sont clairement déshumanisés — est beaucoup moins manichéen dans sa représentation de l’insécurité urbaine.
Là on a l’impression d’avoir Judge Dredd, en plus réaliste et sans ironie...
Martin Lefebvre # Le 3 avril 2016 à 19:29
@Bobophonique
Je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’écrit GD Martin, dont j’ai récemment critiqué le papier sur Destiny.
Ici, l’analyse marxiste est de lui, mais je la reprends telle qu’elle parce que je la trouve efficace dans ce cas précis : elle s’applique à un jeu où les frontières de classe sont caricaturales, et pour lequel il n’y a pas besoin de finasser. Si Ubi veut un degré d’analyse plus développé, il faut nous proposer un discours moins facile à déconstruire. A la rigueur ce qui me frappe plus encore, c’est ce que j’essaye de relever sur l’atomisation totale de la société civile, qui a complètement disparu des rues de Manhattan, comme si elle n’avait aucun pouvoir de résilience. Pour ma part, je la pense bien plus résiliante que l’Etat en tant qu’institution que représente la Division.
Cela étant dit, quand tu discutes IRL avec de vrais dominés, le fait qu’il le soient — et que tu ne le sois pas autant qu’eux — apparaît assez clairement, il me semble. Et j’imagine que c’est pareil avec les vrais dominants, même si je dois avouer que je ne les fréquente pas vraiment.
Enfin, pour la forme, si tu relis ton premier commentaire, tu ne devrais pas t’étonner de la relative violence de la réaction de "Débilo", parce que j’ai l’impression que tu as engagé le débat de manière un rien provocante.
neorodriguez # Le 4 avril 2016 à 13:14
C’est normal si ce papier m’a donné envie d’y jouer ?
Juste pour le voir de mes propres yeux ?
PS : Spécial dédicasse : https://www.youtube.com/watch?v=CIL...
Martin Lefebvre # Le 4 avril 2016 à 13:23
Le papier de Killscreen m’a fait le même effet, donc ça ne me surprend pas. :)
Harlton Smith # Le 15 avril 2016 à 16:01
Premier commentaire sur un site fort sympathique.
Le truc qui peux déranger, c’est ce côté " On est les Gentils et eux c’est les méchants " qui est franchement ... malsain ?
Dans un Call Of Duty, un Diablo ou un Left4Dead, on ne tire pas sur des survivants qui tente de survivre mais sur des soldats/monstres/zombies.
Je répète tout ce qui a était dit, mais je me sens mal à l’aise de loger un chargeur dans la tête d’une personne en capuche car il serait un " membre de gangs ".
Ce jeu, c’est un peu l’anti Spec-Ops The Line. Au lieu de promouvoir un discour nuancé, c’est juste un " FOR MERICA " en boucle. Et si encore, on nous proposerai de soigner des civils, trouver de la nourriture ou autre, peut-être que ça passerait. Mais on incarne juste des soldats.
Cribier # Le 16 avril 2016 à 10:01
SI vous pensez que Donald Trump est un Néo-con alors vous ne connaissez pas grand chose à la politique.
1/ il s’oppose à la guerre en Syrie (contrairement a Hillary.)
2/ Il veut construire un mur alors que la plus part des Néo-con sont pro immigration.
3/ Il s’oppose au traité Transpacifique et Transaltlantique.
Bref c’est un nationaliste pas un Néo con. Informez vous SVP avant d’écrire un article, merci.
Martin Lefebvre # Le 16 avril 2016 à 10:53
Je n’ai pas l’impression que Donald Trump soit le sujet de l’article (pas plus que Manuel Valls). Sinon j’aurais employé un ton beaucoup plus polémique. A bon entendeur.
BlackLabel # Le 19 avril 2016 à 14:02
Voilà. D’ailleurs c’est pas seulement le cas d’Ubisoft.
La plupart des studios aaa sont (se veulent ?) progressistes et d’esprit ouvert, c’est d’ailleurs souligné de manière grossière chez Ubisoft avec leur fameux "créateurs de toutes religions, spiritualités, cultures, origines, orientations sexuelles, etc.". Donc quand le discours est limite, c’est moins par volonté que par erreur et incompétence. Comme le disait d’ailleurs Bobophonique.
Une bonne partie des jeux vidéo consiste à pratiquer une violence fictive. Du coup leur trame narrative tend à devoir justifier l’usage de la violence par nécessité logique, plus que par choix idéologique il me semble.
Ce qui est intéressant d’ailleurs, car tout en faisant le choix du progressisme vertueux, c’est le beauf réac qui ressort. Quant aux audiologs éparpillés qui offrent un dissonance, ça fait un peu "Y’en a des biens", non ?
Bobophonique # Le 20 avril 2016 à 08:15
@Martin Lefebvre : je conviens que j’étais un peu rentre-dedans, mais j’ai l’impression qu’il faut cela pour sortir mes camarades de leurs automatismes idéologiques parfois... Par ailleurs je ne nie pas les rapports de domination, ni l’opposition de classes : je crois simplement que ces phénomènes ne résument pas nos sociétés. Merci de votre courtoisie quoi qu’il en soit ; sur le fond je voulais simplement avancer que traiter de la violence dans les jeux sous l’angle moral etait une erreur, parce que c’est une simulation et que l’on en a toujours conscience : dans des jeux, j’ai tué tout ce qui marche ou rampe, mais dans la vie, je ne ferais pas de mal à un zombie. C’est aussi simple que ça.
etienne # Le 28 avril 2016 à 00:34
Merci à Martin pour ce papier critique sur cette bouse libérale-fasciste, qui confirme mon intuition immédiate avant même le démarrage de la bêta, intuition qui n’a pourtant pas l’air d’avoir frappé grand-monde dans la sphère professionnelle de la critique.
J’ai été très étonné d’une certaine complaisance des critiques, y compris sur les supports un peu exigeants comme CanardPC ou la bande de ZQSD, qui se concentrent essentiellement sur l’invraisemblance du scénario et le côté vide et répétitif du gameplay, et passent totalement à côté des représentations politiques nauséabondes qui sont véhiculées par ce titre dont le succès commercial est par ailleurs indéniable - ce qui me laisse passablement pantois.
The Division est certainement un des triple A qui véhicule une des idéologies les plus réactionnaires qui m’ait été donné à voir , non pas au sens classique de la brutalité fasciste des années 1930, mais au sens très contemporain de l’association néo-libérale de la répression d’Etat et du libertarianisme - association que l’on retrouve en France incarnée par le couple Valls-Macron. La vision très contemporaine d’une société qui allie la matraque et le slogan "Just do it" de Nike, et qui distribue de façon équivalente ses sujets les plus déshérités entre le métier de racaille et celui de vigile, dont les motivations consuméristes sont strictement identiques malgré des fonctions sociales absolument antagonistes en apparence.
Toutefois, il me semble le résumé que fait M Lefevre de l’excellent papier de GD Martin ne lui rend pas totalement justice, en ce sens que ce dernier s’en prend spécifiquement à cette forme contemporaine particulière de libéral-fascisme - dont on trouve une illustration historique cinglante dans la collaboration surréaliste entre les "Chigago Boys" ultra-libéraux et la dictature de Pinochet - et pas seulement à l’"idéologie réactionnaire" en général comme le suggère ML, ce qui à mon avis désarme en partie le propos initial de GD Martin.
Car TC’s :TD est plus fasciste et réac encore qu’un COD, un MOH Warfighter ou un Homefront de base - pourtant franchement pas progressistes au départ - dans le sens où il s’agit d’affronter militairement non pas un ennemi extérieur et menaçant, mais bel et bien un ennemi intérieur, en l’occurrence la figure du lumpenprolétariat urbain criminalisé.
Il s’agit donc bien de la mise en scène de la "guerre des classes" - donc totalement interne à la société - vue du côté des dominants, ce qui généralement n’est absolument pas le point de vue adopté dans le genre post-apo - ni même dans les fictions populaires en général.
Enfant, j’allais jouer avec mon frère chez un copain - un peu gâté par ses parents - aux Playmobils©, divisé en trois camps : les Indiens, les Cow-boys, et la Cavalerie. Les règles d’engagement et d’attaque n’étaient pas fixées à l’avance, ce qui fait que chaque camp pouvait attaquer n’importe lequel des deux autres.
Il va de soi que sur le papier, les tuniques bleues étaient beaucoup mieux équipées (un fort et des canons), bien plus nombreuses que les deux autres camps : elles étaient de ce fait plus attirantes à jouer.
Pourtant, le jeu finissait presque systématiquement par une alliance des Cow-boys et des Indiens contre la cavalerie, et celui qui jouait ce dernier camp était finalement le plus frustré des trois à la fin.
Personne - ou presque - n’a spontanément envie de jouer du côté des gendarmes, des militaires ou plus généralement des puissants et des oppresseurs. La plupart des JV ou des fictions populaires nous font incarner non pas un agent auxilliaire d’un ordre arbitraire et implacable, mais au contraire un héros a priori faible plus ou moins contraint au fur et à mesure du déroulement de son aventure à combattre les "méchants", c’est-à-dire ceux qui incarnent justement un ordre injuste et arbitraire. Je ne comprends pas comment les développeurs de Massive Entertainement n’ont pas compris cela, et encore moins comment des joueurs peuvent se soumettre bêtement à une convention narrative aussi contre-intuitive.
Le "permis de tuer" ne fonctionne justement que parce qu’il est absolument justifié moralement - y compris par des ficelles simplistes, ce qui permet d’ailleurs de supporter l’ultraviolence et la cruauté que le héros est en retour capable d’infliger aux "salauds".
Wolfenstein 3D nous proposer de tuer des nazis et leur chef à la fin. Half Life et ses suites une organisation paramilitaire alliée à une menace Alien. Même les plus bêtes des COD ou Homefront patriotiques nous font incarner des soldats se battant contre une puissance extérieure réellement menaçante, etc...
Même les massacres en série de Assassin’s Creed étaient justifiés par la lutte contre les mystérieux Templiers, figure idéale de l’ordre arbitraire et totalitaire, bien qu’au fur et à mesure des opus de la licence, le degré d’organisation et les méthodes fascistes des deux organisations ne permettaient plus vraiment de les différencier sur le fond.
Mais qui a envie de massacrer des émeutiers en capuche, de misérables éboueurs qui veulent tout cramer ou des repris de justices sortis de Rikers Island, quand bien même eût elle été la résidence temporaire de DSK ?
Personne à part les gros teubés.
Il faudrait de ce point de vue s’interroger sur le fait qu’Ubi Soft - qui appartient à la sphère culturelle franco-québéquoise relativement éloignée a priori du libéral-fascisme de l’extrême droite américaine - soit aujourd’hui dans le monde l’éditeur qui diffuse les produits culturels les plus ignobles sur le plan idéologique, que ce soit la série AC, Watch Dogs ou The Division. Il est même très étonnant qu’un studio suédois comme Massive Entertainement - a priori issu d’une société dont la culture politique est couramment proclamée comme étant spontanément solidaire et non-violente - diffuse une telle idéologie d’habitude associée aux franges les plus réactionnaires de la culture politique anglo-saxonne.
Car la réalité est que la société américaine, extrêmement attachée à la structure communautaire et aux liens locaux, y compris dans les grandes métropoles comme New-York est certainement - contrairement aux idées reçues par chez nous - moins atomisée et plus immunisée contre l’anomie et la "guerre de tous contre tous" que les grandes métropoles européennes. Le fantasme des développeurs suédois sur un New-York post-apo en dit peut-être plus sur le délitement social des sociétés européennes contemporaines que sur l’état réel du lien social aux Etats-Unis. Par exemple le sort réservé aux migrants en Europe n’a rien à envier à celui que leur promettent des tarés comme Trump ou Cruz aux States.
On peut rappeler dans le même ordre d’idée que les développeurs de GTA, Rockstar, qui décrivent de la même façon une société américaine totalement schizophrène et ultra-violente sont des britanniques.
Ce que dit GD Martin, c’est que le New-York post-apo du jeu est une métaphore du capitalisme contemporain finissant, et pas seulement celle d’une montée de l’idéologie répressive d’Etat, mais l’association des deux.
Les principaux ennemis de la Division, ce ne sont pas d’ignobles dictateurs ou des fous dangereux, mais des voleurs, des looteurs. Ce qu’on est chargé de protéger dans le jeu, ce n’est pas la société libre ou les droits des citoyens face à l’arbitraire, c’est avant tout la propriété privée.
Le plus grand danger pour les paranoïaques ultra-libéraux de la catastrophe ou de l’apocalypse, ce n’est pas la destruction de la société - puisqu’en effet il n’existe rien de tel pour eux - c’est la reprise par les classes dangereuses de ce qui leur revient pourtant de droit : les biens et marchandises qu’ils ont produit. Le maintien de l’ordre dont est chargé la Division dans le jeu n’est pas seulement celui de l’Etat, mais essentiellement celui de l’Etat en tant que garant de la propriété lucrative.
Ce qui aboutit à une inversion absolue des valeurs, puisque le prix de la vie humaine devient secondaire devant celui des biens et des marchandises : non seulement on peut, mais il faut tirer à vue sur les pilleurs et les voleurs. Il s’agit là d’une manifestation bien particulière de l’idéologie réactionnaire.
Le statut nébuleux de la Division la situe de ce point de vue dans une zone grise entre l’armée d’Etat et la milice privée : le "héros" que le joueur incarne est lui-même une sorte de mercenaire d’Etat qui se paye sur la bête et dont la motivation est finalement la même que ceux qu’il combat et tue - le loot. Une telle contradiction montre que le moteur narratif du jeu est tout simplement complètement con en plus d’être fasciste. Le héros se comporte et suit exactement les mêmes motivations que ceux qu’il est censé combattre.
ML semble déplorer que le "terrain de jeu" n’est absolument pas représentatif du New-York "réel", et que le quartier choisi n’offre aucune diversité et aucun intérêt à y déambuler. Or justement, ce que représente "Midtown" dans Manhattan, c’est l’abstraction et la fiction capitaliste dans toute sa pureté : d’un côté des bureaux où sont traités les signes abstraits de la finance, et de l’autre des hôtels et résidence de luxe représentant l’abstraction de la ville comme pur lieu "touristique", vide de substance sociale et vivante. Un quartier sans intérêt autre que la concentration de puissance symbolique qu’il recèle : la vie authentique y était déjà absente AVANT la catastrophe.
C’est justement l’incapacité des développeurs du jeu à se représenter la société ou la culture - c’est-à-dire des gens qui vivent, travaillent, font des enfants et les éduquent, ce qui se traduit concrètement par des quartiers où des gens habitent, où il y a des crèches, des écoles et des petits commerces - qui les ont fait choisir un quartier aussi neutre et abstrait que Midtown, où les seules choses qui "valent" sont du matériel high-tech et des armes sophistiquées à looter. D’où le côté absolument désincarné du post-apo qui nous est servi ici.
Il faudrait aussi s’interroger sur cette drôle d’inversion de l’industrie du JV grand public contemporaine : au fur et à mesure que les capacités à reproduire en 3D les environnement réels se développent sur le plan technique (effets de lumière, architectures, textures), les développeurs nous proposent une vision du monde social de plus en plus sommaire et simplifiée, et finalement totalement irréaliste sur le plan de la narration et de la motivation des acteurs.
Au-delà de l’arrière plan réac qui pue de la gueule, les développeurs du jeu n’ont strictement rien compris à l’intérêt du "post-apo" comme argument narratif et de gameplay, ce qui rend leur jeu extrêmement ennuyeux dès le départ. Si catastrophe et l’apocalypse sont aussi efficaces en termes d’émotion et d’immersion dans les oeuvres culturelles, c’est qu’elle nous met tous face à une situation où tout ce qu’on a connu du monde passé est détruit et dévasté.
Or la figure de la dévastation et de la perte, pour n’importe quel sujet ordinaire, c’est avant tout la perte de l’enfance et plus généralement du cadre familial de liens protecteurs dispensant non seulement les éléments nécessaires à la reproduction de la vie mais aussi celui de la sécurité affective et de la vie heureuse et insouciante.
Or, en se focalisant sur la mythologie de la prédation matérielle et de la chasse aux voleurs et de la quête exclusive du loot, The Division passe totalement à côté de la dimension dramatique et affective du post-apo ou de la dystopie totalitaire. Tous les grands jeux de sci-fi dystopique et/ou d’apocalypse sont remplis d’images de l’enfance perdue ou dévastée : les figures de poupées démembrées ou de nounours éventrés font partie du folklore, que l’on retrouve indifféremment dans les Fallout, Half-Life, STALKER...
Qui n’a pas joué avec le moteur physique de HL2 après être sorti de la gare de City 17 en poussant les balançoires du jardin d’enfant ? Qui n’a pas été frappé par l’image de la grand-roue de Prypiat dans STALKER, ou par celle des salles de classes dévastées dans les écoles ? Qui n’a pas été frappé par l’omniprésence d’enfants et de jouets d’enfants dans la série Fallout ou dans les tunnels de METRO ?
Face à cela, quelle image de la ville dévastée The Division nous offre-t’elle ? Un amoncellement d’ordures - les ordures abstraites et indifférenciées, enfermées dans des sacs plastiques, de la production surnuméraire de marchandises du capitalisme qui tourne à vide - dans un quartier où ne restent plus comme êtres sensibles que des figures simplifiées des exclus de la consommation de masse : les clochards et les voleurs. Le rôle du héros se divisera dans ce cadre simplifié de façon totalement binaire : aux premiers on distribuera des canettes de soda, au seconds des rafales de balles dans le buffet.
Comment peut-on s’intéresser à un cadre narratif aussi pauvre et abstrait, y compris dans un triple A no brain ?
Pour finir, la seule chose qu’aurait pu réussir The Division est la fameuse Dark Zone - qui n’est qu’une énième itération de la mécanique de Day-Z : quel gameplay peut émerger d’un cadre de pur PVP ? Malheureusement, là où Dean Hall avait échoué dans Day-Z, les développeurs de Massive ont également failli.
J’avais déjà tenté de décrire et analyser les expérimentations de Dean Hall dès le début du mod pour gérer l’hostilité en PVP généralisé : faut-il ou non des skins spécifiques informant les joueurs sur le comportement passé des autres joueurs, mécanique qui illustre le fondement de toute interaction humaine - à savoir le degré de confiance a priori (d’où la question récurrente, comme un cri dans la nuit : "Friendly in Cherno ?") ?
Après un essai de courte durée imposant une skin de "bandit" aux joueurs hostiles - ayant tué le premier d’autres joueurs - D Hall avait abandonné l’idée, ce qui avait donné le résultat que l’on connaît : du tir à vue généralisé, ce qui rendait de fait les interactions totalement inintéressantes - et donc de fait le jeu lui-même.
Les développeurs de Massive ont choisi le marquage des joueurs "rogue", et l’effet a été strictement inverse, mais finalement totalement inintéressant aussi : il est tellement couteux et pénalisant d’être hostile dans la Dark zone - pertes d’XP ou d’argent je ne sais plus - que finalement il ne s’y passe pas grand chose : personne n’a la trouille de s’y balader tellement il est rare d’y croiser un rogue, et tellement celui-ci a toutes les chances de se faire massacrer par tous les joueurs présents dans la session instanciée.
Tout cela montre que le JV multijoueur en PVP, du fait des contraintes de simplification binaire - le choix entre hostile ou friendly - n’offre finalement que peu d’occasions d’observer une variation créative d’interaction avec des inconnus (expérimenter une interaction aussi complexe et étalée dans le temps comme la TRAHISON par exemple).
Le seul truc un peu intéressant que j’ai vu est l’expérience d’un youtubeur sur Rust : il refilait un fusil à un mec à poil et prétextait la nécessité de s’absenter AFK pour s’absenter, le joueur adverse ayant tout le loisir de le tuer et de lui piquer son équipement. Le résultat - non significatif statistiquement compte tenu du faible nombre d’expériences - est qu’une majorité de joueurs attendait sagement sans profiter de l’occasion pour tuer l’expérimentateur et le looter, ce qui a surpris ce dernier. Il laissait alors au joueur honnête le flingue en récompense.
Cela ne va certes pas très loin, mais ce résultat tend à confirmer que dans ce cadre de pur PVP en multi, si le réflexe premier est hostile avant toute interaction, il suffit d’un geste initial de confiance gratuite pour générer spontanément en retour une attitude également coopérative, ce qui finalement contredit a priori l’idéologie absolument pessimiste véhiculée par un jeu comme The Division : la prédation hostile et purement individualiste ne serait pas le moteur premier de l’action des sujets un minimum évolués et le désir de coopération semble l’emporter - en tout cas quand les signes du même désir sont visibles chez l’autre.
Peut-être peut-on y voir une première faille dans l’idéologie libérale-répressive véhiculée par The Division...qui ne fait qu’accompagner la majorité des institutions politiques et médiatiques dominantes contemporaines.
Nicolas Turcev # Le 27 mai 2016 à 23:27
Magnifique commentaire (en article, vite !).
Reste à savoir si l’idéologie libertarienne de The Division est consciemment générée ou plutôt le reflet d’autre chose. C’est notamment l’un des points sur lesquels je diverge avec Etienne lorsqu’il évoque la Suède et l’Europe. Ca ne me semble pas pertinent, en tout cas pas dans ce cas précis dans la mesure où les studios de jeu vidéo AAA sont maintenant complétement hybrides avec des développeurs/créatifs de dizaines de pays différents éparpillés sur les cinq continents. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil aux crédits. Pour cette raison je ne pense pas que la lecture de The Division comme la manifestation d’un sentiment spécifiquement européen soit juste, même si le fait que Massive soit situé dans un pays scandinave reste symboliquement dur à avaler.
En fait il faut voir plus grand, et en même temps plus spécifiquement. On le voit de toute façon, cette tendance à faire du jeu grand public mariant loot, massacre de l’ennemi intérieur et tous contre tous (ou un contre tous, coucou Uncharted) touche un peu toute l’industrie, Amérique et Europe compris. C’est maintenant assez systématique. Et la question que je me pose, c’est : est-ce que ce ne serait pas dû en partie à la désertion du champ politique par la jeunesse ?
Les développeurs de jeux vidéo, tout du moins le gros de la bande, en tout cas dans les grosses structures qui embauchent souvent à la sortie des écoles, doivent avoir la trentaine. Et comme l’illustrait notamment un article sur DontNod de Tony Fortin dans Games, cette jeunesse qui entre dans les studios est totalement désengagée du débat politique et plus prompte à répliquer les schémas qui les gouvernent dans leurs créations (être apolitique c’est être de droite comme le dirait le patron de l’auberge).
Le secteur de la tech, qui alimente bien plus les studios que le secteur créatif, souffre également lui aussi de ce libertarianisme sauce Silicon Valley qui veut sauver l’humanité à coups de pelletées de brevets. Du coup quand je m’imagine le processus créatif au sein d’un studio lors de la création d’un jeu comme The Division, j’envisage des rapports de force assez déséquilibrés entre d’une part les tenants d’un apolitisme de façade répliquant les systèmes en place et d’autre part les "humanistes" ou les "civiques" disons. Il y a évidemment des nuances entre ces deux positions, mais ça serait intéressant de demander à des développeurs de AAA ce qu’ils en pensent.
Une autre remarque qui m’est venu à l’esprit en lisant Etienne et notamment en pensant à sa façon de présenter les enjeux du post-apo : j’ai l’impression qu’effectivement, le post-apo en tant que genre et dans la façon dont il dépeint la perte (du lien, de la famille, de l’insouciance) cherche à nous faire prendre conscience des bénéfices du commun, de l’entrée en communauté. Des jeux comme Fallout mettent au cœur de leur gameplay l’interaction et la reconnexion avec le monde et les survivants, comme pour étayer l’idée que même si on annihilait la société, l’homme, par nature, aura toujours vocation à refaire société, à sortir justement d’un état zéro où il est gouverné par la loi de la nature. Le post-apo semble nous dire que l’homme est précieux et digne de respect car c’est la seule créature dont l’instinct lui intime de faire société, de nourrir le commun. Et c’est effectivement là où se plante The Division, qui réactive le fantasme un peu daté de l’homme prédateur par nature. Là où c’est en revanche un petit peu cohérent, c’est la façon dont la directive étatique qui active la Division (et son génocide de looters) illustre très bien la conception libertarienne du gouvernement minimal, instauré principalement pour faire respecter le droit à la propriété privée.
J’ai d’ailleurs découvert Locke (qui a en partie inspiré les libertariens) il y a peu, et c’est fou comme le discours de The Division résonne avec le cadre moral que Locke a élaboré pour justifier le massacre des indiens. Il parle notamment d’un état zéro du monde (comprendre l’Amérique non colonisée) où il n’y a pas de société. L’homme disposerait alors de trois droits inaliénables : la liberté, la vie et la propriété privée. Comme il n’y a pas encore de société, chaque homme est partie prenante, juge et bourreau en cas de violation de l’un de ces droits par autrui (en gros tout le monde se marrave). Ce qui est intéressant et qui vient faire le lien avec The Division, c’est que la définition de la propriété privée par Locke implique une certaine notion de "délimitation", assez vague mais que l’on peut comprendre comme une limitation matérielle ou par l’altération. S’il n’y a pas ce critère, il ne s’agit pas d’un bien privé mais d’une "terre inconnue". Conception qui s’est révélée bien pratique pour justifier la colonisation massive des terres indiennes par la culture de plantations et le dressage de barrières ou de clôtures. Ainsi dès qu’un indien protestait que l’on ait ainsi réquisitionné ses terres (qu’il n’avait pas délimité, bien peu au fait de la théorie de Locke), on pouvait légitimement le tuer selon la loi morale en place dans un état naturel du monde, selon Locke.
Et à bien y réfléchir, on pourrait presque dire que The Division ne montre pas autre chose. Un retour à l’état naturel, avec l’épidémie, qui fait capoter la société. Le colonisateur serait cette fois la Division (le joueur), réclamant la propriété de New-York à travers une directive obsolète ; il n’y a plus de société, donc plus d’autorité émanant du corps social. De fait le gouvernement ou plutôt son substitut atomique, le membre de la Division - le joueur - devient une entité privée comme une autre dans cet état de quasi-jungle, tentant de faire valoir son droit inaliénable. Et après tout, les substituts du gouvernement semblent effectivement être les mieux placés pour soutenir qu’ils ont des billes dans New-York et qu’il s’agit de leur bien. L’ancien gouvernement l’a suffisamment altéré pour s’en prétendre le propriétaire. Et c’est sans compter la gigantesque base d’opérations de la Division qui administre ce bien.
Alors on ne tue pas d’indiens qui seraient là en train de saccager des champs de colons, mais on justifie le meurtre par dizaines de looters parasites qui se sont appropriés certains quartiers de la ville et ont donc enfreint le sacro-saint droit à la propriété privée. Et voilà comment on justifie le meurtre de masse en se basant sur des ressorts moraux d’un autre temps.
Il y a d’ailleurs dans The Division une sorte de volonté délirante et glauque de recréer un mythe fondateur. "Les braves membres de la Division, assis sur une gigantesque pile de cadavres, ont permis de reconquérir notre droit fondamental à la propriété, et sur ces bases, de refaire société. THE END". En même temps, pour rejoindre ce que je disais plus haut, c’est peut-être ce dont a besoin ou a envie, une certaine partie de la jeunesse : un nouveau péché originel, un nouveau récit à s’approprier et sur lequel bâtir. Je sais pas.
Monkey # Le 1er juillet 2016 à 14:45
Une Vidéo Test de The Division qui prend en compte cet écueil moral. Enjoy ! :D
https://www.youtube.com/watch?v=hl6...
Keinan Aiden # Le 27 août 2017 à 07:54
À Etienne, Nicolas Turcev & Martin Lefebvre :
Vos analyses théoriques offrent un angle de vue intéressant sur le jeu, mais j’ai bien peur qu’elles ne soient fondamentalement erronées :
En tout premier lieu, décréter que le jeu avait obligatoirement une vision politique en raison des fablesse dans son gameplay et de son scénario me parait être une hypothèse pour le moins hasardeuse. En effet, cette faiblesse du scénario et du gameplay tient beaucoup plus du motif économique (éviter les dépassement du budget, ce dernier étant apparemment investit majoritairement dans la reconstitution de New York) que vraiment politique. Mais admettons.
Vous êtes partis du principe que le jeu prônait forcément une vision libéral-fasciste parce qu’il fallait, pour résumer, tirer sur les « classes dangereuses » (manifestant, éboueurs, prisonnier...) et pas sur celles du capital. Et malheureusement, vous vous êtes sacrément fourvoyés.
En effet, quel est le scénario de départ ? Un virus qui terrasse New York grâce aux billets de banque et au jours d’affluence majeurs dans les supermarchés. Autrement dit, au-delà des terroristes, les responsable de l’épidémie, c’est le capitalisme et la société de consommation, et c’est à cause d’eux que l’on se retrouve obligé de flinguer tout ce qui n’est pas JTF..
Simple exemple : l’une des missions consiste a récupérer les billets contaminés... qui datent du jour de grande affluence et qu’on doit trouver dans un grand magasin, un rappel du rôle indispensable que la société de consommation à joué dans l’étendue fulgurante qu’a prise l’épidémie.
De plus, vous critiquez le fait que le jeu présent erronément une absence totale de tissu social en citant fort à propos la situation des états dits "en faillite" ou encore des communauté américaines. Mais la suppression de presque tout ce qui pourrait montrer "la résilience de la société face au pire" pour ne laisser que les voleurs et autre "éléments indésirables" à descendre à la pelle, cette absence totale de tissu social incarnée par des malheureux SDF qui errent désespérément dans les rues, c’est justement une représentation de l’individualisme poussé qui caractérise l’Occident.
Enfin, plus anecdotiquement et comme l’a justement dit Mr Lefèbvre, les ennemis les plus dangereux ne sont pas ceux appartenant aux "classes dangereuses (manifestants/émeutiers, prisonniers, éboueurs...) qui sont les plus redoutables, mais bel et bien les envoyés des représentant de la Finance et Wall Street.
Par conséquent, le jeu ne prône pas le libéralisme-fasciste, mais en est au contraire une critique d’autant plus féroce qu’il utilise un cadre et des adversaires (relativement) réalistes et qu’il oblige le joueur à emprunter pour seule voie le fait de dégommer tout ce qui bouge ou presque, un peu comme le film "Starship Troopers", qui semble faire l’apologie du totalitarisme et du militarisme en prônant le massacre de l’autre (qui est représenté sous les traits d’insectes géants) est est en réalité une redoutable satire.
Le malaise que l’on ressent à descendre des jeunes en capuche (qui pourraient très bien être vous, moi ou une personne que nous aimons) est justement voulu, parce que ce jeu veut nous mettre en garde contre la tournure que nos sociétés de l’individualisme, de la consommation et de la finance prennent sous l’effet de la crise et du terrorisme.
Bien à vous.
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