Et si Super Mario Bros. 3 se passait sur une scène de théâtre ? Et si Animal Crossing racontait l’enlèvement d’un enfant par une secte ? Et si l’univers de la licence Pokémon peignait un monde au sortir d’une guerre globale ? Tout trivial qu’il soit, le média jeu vidéo brasse tout un tas de questionnements et analyses de ses représentants par les joueurs passionnés. Pour le meilleur et aussi pour le pire.
Tout était plus simple dans les premières années de vie du média : s’est-on jamais interrogé sur les motivations de la barre blanche de Pong à renvoyer la balle ? A-t-on cherché à comprendre la finalité de la quête de Jumpman à ravir Pauline des pattes de Donkey Kong Senior ? Non, le fait est qu’à l’époque les jeux vidéo ne s’embarrassaient pas de scenarii alambiqués, de développement des personnages pouvant ouvrir à débattre et broder : si de nombreuses questions laissées par l’absence de profondeur scénaristique pouvaient se poser alors, elles étaient bien trop négligeables devant le seul dieu Gameplay, et l’amusement qui en découlait.
Quand les fans cogitent
À peu près toutes les grandes séries de JV à composante narrative engendrent tôt ou tard des spéculations plus ou moins poussées — et bon enfant — sur la cohérence de leur univers. Prenons comme exemple la grande famille des RPG, et plus précisément Final Fantasy VIII. Et si le héros était mort à la fin du premier CD ? Et si l’héroïne était en fait la grande méchante ? Du fait d’un background narratif poussé mais assez décousu, flou et cryptique, les fans ont au fil des années échafaudé un certain nombre de théories plus ou moins farfelues. La plus connue est certainement celle selon laquelle Ultimecia, la grande antagoniste, serait une version future de Linoa en proie à la folie. Si vous vous êtes un tant soit peu intéressé à l’histoire du jeu, vous savez que nombre de sites internet reprennent les mêmes arguments selon lesquels (entre autres) la bague Cronos offerte par Squall engendrerait la bête du combat final, ou encore que tout ce que fait Ultimecia est entrepris dans le seul but de briser le cycle infernal, ce qui viendrait étayer cette séduisante hypothèse. Pourtant, rien dans le jeu n’en donne une preuve irréfutable ; tout repose sur l’utilisation par le public passionné de quelques « indices » qu’ils interprètent, au risque parfois de virer à la pure science-fiction. Partant de là, la seule possibilité de trancher sur le sujet serait que les créateurs du jeu prennent la parole.
Et c’est souvent là que le bât blesse dans ce genre de cas : d’une part, il n’est pas toujours simple d’avoir une réponse claire et inattaquable, mais même quand c’est le cas il n’est pas dit que les fans les plus impliqués acceptent l’explication. Dans le cas de FF8, Square n’a jamais souhaité s’exprimer clairement sur le sujet. L’une des raisons évoquée par l’auteur du livre La Légende Final Fantasy VIII (Third Editions / PixnLove) dans ce genre de cas, c’est que les développeurs et éditeurs ont tout à perdre à se prononcer : en invalidant la théorie, ils avouent alors que leur jeu n’est pas si profond qu’il n’y paraît, et se mettent à dos des fans ; en la validant, ils coupent court au filon marketing qu’elle représente. Pourtant un argument de Rémi Lopez est le bon sens même : si Square Enix étaient capables d’étayer par eux-mêmes et sans aucune faille la théorie, alors ils seraient à la tête (toutes proportions gardées) de l’un des retournements de situation les plus frappants de l’industrie vidéoludique. Difficile alors de comprendre — toujours dans l’hypothèse où la théorie serait pensée en amont — la raison qui pourrait retenir l’éditeur de profiter de cette mine pour un jeu qui est de plus souvent décrié.
Si Square Enix semble faire la sourde oreille aux suppliques des fans, ce n’est pas le cas de tout le monde. Tetsuya Nomura s’est, lui, prononcé sur la question en réfutant la théorie. Certes, celui-ci n’était à l’époque du développement que simple character designer sur le jeu, et bien qu’il ait lourdement pesé sur le projet, lui-même n’etait pas en charge de l’écriture du scénario. Il reste toutefois l’une des personnes les plus influentes de la compagnie, suffisamment pour que sa prise de position ne souffre d’aucune équivoque (quoique l’on pense du personnage et de ses travaux). Pourtant nombre de passionnés se persuadent tellement d’avoir mis au jour un secret inavouable que, mis devant le fait accompli, ils se cantonnent dans la dénégation voire crient au « complot ». On trouve ainsi des détectives en herbe avalisant la théorie sur un mode « si Nomura la réfute alors c’est que c’est vrai ». Argument de fort mauvaise foi.
L’important dans ce genre de cas, me semble-t-il, serait de savoir si la théorie est voulue ou non au moment de la création de l’œuvre originale. Peu importe la pertinence des arguments que l’on peut faire valoir par la suite, si ce n’est pas là le souhait initial des créateurs alors cela ne reste que de la pure fan-fiction. Nous sommes ici bien au-delà d’une polémique « Han shot first » [1], rien dans Final Fantasy VIII ne vient incontestablement et visiblement faire de cette théorie une vérité ou une contrevérité. Elle ne peut donc tout simplement pas être validée sans le concours des scénaristes originaux, si tant est que ceux-ci seraient honnêtes dans leur réponse, eu égard à l’importance qu’elle pourrait prendre.
Anti-thèse
On l’a vu, les fans de jeux vidéo rivalisent souvent de raisonnements pour étoffer l’univers des jeux qu’ils aiment tant, au point d’aller à l’encontre de la vision de l’œuvre par ses auteurs. Cela reste en général bon esprit, et bénéficiaire pour les deux partis en présence. Pourtant on peut trouver des agissements autrement plus insidieux — et politiques — en regardant vers d’autres licences. En voici une petite étude de cas.
En tant que grande série disposant à la fois d’une fanbase particulièrement active d’une part, et d’auteurs se prêtant volontiers au jeu des interviews d’autre part, The Legend of Zelda est un exemple de choix en la matière [2]. Les faits sont simples : au fil des itérations successives des personnages de Link et Zelda, dont les aventures ressemblent fort à un éternel recommencement, finit par se poser une question : ces personnages sont-ils toujours les mêmes, ou sont-ce des personnes différentes situées à des époques ou mondes différents ? Le simple fait d’émettre ces deux questionnements revient déjà à mettre de côté la réponse la plus évidente : ces jeux ont été conçus, pour la plupart [3], comme des œuvres distinctes les unes des autres. Certes avec de nombreuses caractéristiques récurrentes et autres auto-référencements (les cocottes, ... ) qui permettent au joueur d’être en terrain connu, mais des aventures à l’image des contes d’antan, où ils vécurent heureux et FIN.
Or comme on l’a vu plus haut, les fans sont friands de théories, et ont depuis longtemps cherché à regrouper tous les épisodes de la série sous une seule et même chronologie (ou timeline) unifiant la grande Histoire d’Hyrule. Plusieurs modèles furent proposés au fil des ans et des modes, la série n’en finissant plus de grossir en parallèle. Aucun cependant ne réussissait à combler toutes les failles ou confirmer les hypothèses. Jusqu’à ce que Nintendo, qui jusque-là s’était montré pour le moins réticent à se prêter à l’exercice [4], ne se décide enfin à en proposer une officielle dans le livre Hyrule Historia, paru en 2011 à l’occasion de la sortie de Skyward Sword. Cette chronologie devint donc officiellement partie intégrante du canon de la saga quand elle n’est, à l’origine, sans aucun doute qu’une tentative de raccrocher des pièces de puzzles différents dans un ensemble qui tienne la route, pour donner aux fans des jeux ce qu’ils demandent depuis longtemps.
Seulement voilà, les fans veulent des réponses mais pas n’importe comment. Et à contrario du Han Shot First, rien ne peut définitivement faire basculer les arguments vers une véritable réponse cohérente à la problématique, d’autant plus que la question semble avoir été souvent éludée par Nintendo par le passé, quand la nécessité d’un maillage de la série ne se faisait pas aussi prégnante. Et que la division en trois branches distinctes de l’univers oblige à accepter des hypothèses (l’échec de Link et/ou l’intervention des sages) diamétralement opposées et paradoxales d’un point de vue espace/temps. Difficile donc de voir dans cette timeline officielle autre chose que de la démagogie intéressée (ou du fan service, selon votre cynisme intérieur) de la part de Nintendo. Et le backlash ne se fait pas attendre, puisqu’en dépit de cette justification officielle et donc a priori inattaquable, le brainstorming général continue au sein des communautés, et que le procédé lui-même est critiqué comme étant un os à ronger.
Une partie du public semble donc refuser qu’un de leurs bébés n’explique pas entièrement et clairement son contenu. La fin des jeux est d’ailleurs l’une des cibles privilégiées, puisque les jeux modernes évitent souvent de tomber dans la facilité du "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants" en laissant volontairement le flou sur le devenir des protagonistes, voire en en prenant le contrepied. Symbole de cette tendance, la fin de la trilogie Mass Effect dût être refaite après la sortie du troisième volet pour faire face à la grogne montante critiquant non seulement son manque de variété par rapport aux choix entrepris jusque-là, mais surtout l’absence de réponses claires à certaines questions et au devenir d’une partie du casting. Si la fin originale était probablement frustrante, et que les changements consentis sont au final minimes, il me semble tout de même que l’ingérence des joueurs directement dans les œuvres va parfois beaucoup trop loin.
Bloodborne : au service de la narration
Rester évasif peut pourtant s’avérer salutaire pour un jeu ou une série, si tant est que la mécanique en action ne soit pas juste lacunaire, mais au contraire bien pensée. Et les jeux de la licence Souls de FromSoftware le sont assurément. Voilà des œuvres relativement ouvertes sur le plan du gameplay et de la progression, qui ont choisi de reléguer leur narration toute entière à l’état d’annexe. Non pas qu’elle soit inintéressante — au contraire —, mais le joueur est laissé dans un état de non-dit permanent. Les dialogues sont cryptiques, les personnages énigmatiques et souvent anonymes à première vue, le joueur ne fait que suivre un cheminement abstrait dicté par son seul interlocuteur récurrent, alors même que les lieux qu’il traverse semblent puissamment chargés d’Histoire et de légendes fouillées. Ce n’est qu’en scrutant l’architecture alentour, en lisant les descriptions d’objets ayant appartenu à d’anciennes gloires et en assemblant les pièces à la lumière des maigres informations consenties par les jeux qu’on arrive à peu près à y voir clair. Au risque finalement de ne pas en avoir vraiment tiré la substantifique moelle. Les uns s’en accommoderont bien, tant ces jeux sont riches au-delà de leur scénario ; les autres iront chercher des réponses pré-décortiquées sur les wikis consacrées aux jeux, ou même dans des ouvrages entiers.
Le dernier né du studio, Bloodborne, calqué sur le modèle de ses ainés, nous offre également son lot de conjectures. Son univers dense mais mystérieux, librement inspiré des récits de Lovecraft, est parfois compliqué à appréhender. Avec ses histoires de sang contaminé [5], de rêves et de cauchemars, de clergé pas vraiment angélique, de divinités mortelles (les Grands) et de Chasse dont on ne connait ni les tenants ni les aboutissants, plus d’un joueur aura eu du mal à digérer son récit. Et même quand on croit avoir enfin recollé les derniers morceaux disponibles, voilà qu’on nous sort une nouvelle extension (The Old Hunters) éclairant d’un jour nouveau [6] certains non-dits du jeu de base.
Les passionnés n’auront à nouveau pas manqué de se lancer à pieds joints dans l’élaboration de thèses plus ou moins folles avec en ligne de mire l’explication exhaustive des évènements et thèmes centraux. Certaines, imparables, dénotent simplement du soin avec lequel le jeu a été conçu, loin de la confusion qui semble y régner. C’est par exemple le cas de l’enchainement étrange des niveaux, thèmes et boss de l’extension, qui semble de prime abord dépourvu de liant mais prend tout son sens quand on le parcourt à l’envers : on assiste ni plus ni moins qu’à l’évolution du culte depuis l’élément déclencheur jusqu’à sa perversion. En s’en apercevant, on atteint une épiphanie où les éléments de mise en scène incompréhensibles au premier passage (comme cet énorme escargot qui tombe sans vie en plein Yharnam) prennent toute leur logique. D’autres ne resteront que pures conjectures, car elles ne résultent que du rapprochement peut-être un poil forcé d’indices d’apparence anodine. C’est entre autres le cas de la provenance du Vieil Os de Chasseur, que plusieurs facteurs semblent relier directement à Lady Maria, comme sa capacité à maitriser les dashs sans déclencher l’animation habituelle, ou encore l’endroit où repose l’Outil dans le vieil atelier.
La thèse se tient à merveille, mais souffre de quelques lacunes (notamment l’utilisation de l’Outil par d’autres chasseurs) et comme nombre de cas du genre dans la série, restera lettre morte par l’absence d’une confirmation certaine. Et quelle importance ? Voilà une licence qui a sciemment choisi de laisser une grande partie de l’interprétation de son lore aux mains de sa communauté. Qui l’a fédérée par des outils de jeu en ligne originaux [7], ou passivement en regardant d’un bon œil la construction progressive de wikis dédiés. Qui la fait régulièrement participer au design d’éléments de leur futur jeu [8]. Au final, tout le monde y trouve son compte et consomme le jeu à la manière qui lui convient.
Les jeux vidéo sont des amas d’idées complexes élaborés par des équipes parfois tentaculaires sur une longue période de temps. Malgré tout le soin qu’elles y apportent, le produit final est voué à contenir des passages flous, des éléments abstraits, des réponses évasives ou même des plotholes. Et si plutôt qu’exiger que les certitudes nous tombent toutes cuites dans le bec au risque de nous décevoir, nous ne serions pas mieux bien au chaud dans une ignorance permissive, à cogiter par nous-mêmes sur des sujets qui nous passionnent ?
Notes
[1] Pour rappel George Lucas avait, à l’occasion de la réédition de 1997 d’Un Nouvel Espoir, remonté la scène de fusillade du bar pour changer le tir de Han Solo en légitime défense, trahissant ainsi la scène d’origine et changeant quelque peu le caractère du personnage.
[2] Voir également les spéculations sur la signification de Majora’s Mask et la réponse ambiguë d’Eiji Aonuma.
[3] Certains opus sont des suites directes à d’autres : Majora’s Mask poursuit Ocarina of Time, Spirit Track continue Phantom Hourglass qui lui-même semble reprendre le Link de Wind Waker, ou encore A Link Between Worlds qui se passe dans un lointain futur de A Link to the Past et Link’s Awakening.
[4] Shigeru Miyamoto avait pourtant fait une tentative timide durant une interview en 1998.
[5] L’une des thèses en vogue, soutenue par de solides arguments, voudrait que les fioles de sang consommées par le joueur provienne exclusivement de menstruations.
[6] Voir l’article de Rich Stanton traitant du DLC et des théories ci-dessous.
[7] Les Souls et Bloodborne permettent de laisser au sol des messages - y compris trompeurs - à destination d’autres joueurs inconnus, et encourage tant la coopération que le PvP.
[8] Notamment ceux de boucliers de Dark Souls 2, qui furent ouverts à concours.
Vos commentaires
Laurent Braud # Le 2 mars 2016 à 10:52
Cette problématique me ramène toujours à David Lynch, réalisateur par excellence de flims volontairement abscons et inexpliqués. A la sortie de Mulholland Drive, j’ai été surpris par l’abondance de tentatives d’explications ... et je ne comprenais pas pourquoi tant d’entêtement. Comme si tout devait avoir un sens clair, précis, une raison d’être. Mulholland Drive reste pour moi une bonne expérience, entre autres parce que j’étais bercé par une incompréhension douce et totale.
Matthieu # Le 2 mars 2016 à 15:18
Il est dommage que l’article n’aborde pas les limites de cette approche.
Vouloir remettre Zelda dans l’ordre chronologique ou denuer Bloodborne de ses mysteres est un contre sens. Loin d’etre un obstacle a leur comprehension, l’ambiguite est intrinseque a ces oeuvres.
Qu’est ce qui pousse ces fans a essayer de tout expliquer ? Pensent ils vraiment qu’une oeuvre acquiert sa valeur par une coherence a toute epreuve ? Mettre tous les Zeldas dans une seule chronologie, c’est vouloir croire que l’art ne se cree que sous la figure romantique d’un createur demiurge, controlant tout. Bref, une vision passeiste, a l’encontre de la realite des jeux videos.
Colin Fourtet # Le 2 mars 2016 à 17:29
Matthieu : Ce n’est pas faux, mais alors là il faudrait des pages et des pages supplémentaires pour analyser ça. On verra pour une autre fois.
C’est d’ailleurs un constat qui n’est pas limité au JV mais qui s’applique à tout, y’a qu’à voir le nombre d’auditeurs qui tentent de trouver le sens des paroles de la plupart des chansons, on y retrouve les mêmes travers que ceux que je décris plus haut.
Ou encore, si j’osais le parallèle, avec les croyants qui se tapent dessus depuis des siècles sur le sens à donner à leur parole divine. Mais je m’égare.
Laurent : Je n’ai vu de Lynch que la série Twin Peaks et je n’ai effectivement pas tout saisi, ça m’a même fait sortir du trip avant la fin. Pas par envie de tout comprendre, mais surtout par défaut d’avoir quelque chose de tangible, de "réèl" à me raccrocher.
Paradoxalement je discutais il y a quelque jours de l’incapacité des Final Fantasy, notamment, à bien faire passer leur scénario. Malgré tout ce que je dis dans l’article, je pense que les créatifs doivent faire des efforts dans leur façon de raconter, de transmettre leur message, déjà pour que ce soit plus efficace et agréable pour le joueur, mais aussi parce que certains (comme Lynch, à mon sens) ont tendance à tomber dans la facilité avec une posture "génie mécompris", en gros démerdez-vous pour me comprendre et probablement que dans le lot j’en accrocherai deux ou trois.
Et pour revenir au jeu vidéo, les FF ne sont pas les seuls, j’en veux pour preuve le nombre de joueurs (j’en fais partie) qui n’ont rien pigé au scénario des Dept. Heaven avant de lire les interviews des créateurs, parce que l’histoire ne tient pas dans les seuls jeux qu’ils développent et que - contrairement aux Zelda - essaye de former un tout cohérent, sans y arriver. C’est un peu dommage
Laurent Braud # Le 2 mars 2016 à 20:26
Ce serait une erreur de croire que Lynch (ou bien d’autres) veut absolument être compris. Il n’y a rien à comprendre, toute explication ne peut venir qu’a posteriori. C’est un certain ressenti qui importe — auquel on a tout-à-fait le droit de ne pas être sensible, et même de dire qu’il n’existe pas. En ça c’est très proche des jeux que tu cites, où le ressenti, sous la forme du gameplay, importe plus qu’un hypothétique scénario.
Cela ne m’empêche pas d’apprécier des tentatives d’explications les plus farfelues (comme sur Super Mario). Mais j’évite de les lire pour les univers qui me tiennent vraiment à coeur, le flou m’apparaît plus confortable. Même la chronologie précise de Valérian et Laureline, je préfère l’ignorer.
Max # Le 3 mars 2016 à 11:48
Surtout que Lynch va chercher du côté de l’onirique. Il est donc normal qu’on ne comprenne pas tout, c’est voulu. C’est l’essence même du rêve que de demeurer un conglomérat d’images insaisissables. Il est vain de chercher à en fournir une interprétation absolue. C’est plutôt une collection de symboles, sans forcément de liens logiques.
Cédric Muller # Le 3 mars 2016 à 11:54
Lynch, Mirò, et certains jeux vidéos dessinent des esquisses sur les canevas de nos vies. C’est leur force : ne pas être tangibles en soit (même Lynch avoue poursuivre des idées et concepts qu’il affine au fur et à mesure de ces films et de sa vie), mais uniquement en rapport avec une forme de réalité, possible (ou pas). La poésie est un grand accomplissement de l’Humanité.
Le fait de demander aux créatifs d’être compréhensibles me semble être, malheureusement, une vision très dégradante de la création. L’artisan doit pouvoir faire son travail et le client consommateur n’est pas forcément toujours le Roi (je m’oppose à la monarchie absolue que nous, consommateurs, nous nous imposons).
Et si tout ceci n’était que pour faire de l’argent ? J’ai l’impression que le rationalisme aigu stigmatise les occidentaux dans leur capacité à s’évader avec des rêves : pourquoi faudrait-il fixer le cours d’eau d’un fleuve et forcément y voir un sens et une logique qui représente ce que nous sommes ? Nous sommes partie intégrante de cette Vie, nul besoin de chercher un sens.
Nos rêves sont faits de gloire, les rêves de certains sont faits de piliers de cristal qui s’effondrent comme du gaz inter-stellaire pour créer un nouveau système de vie (le Japon et les héros se transformant en cristal ^^). Lynch apporterait la transmigration pour souligner cette transition permanente de nos êtres. Certaines fois, fixer c’est également lâcher prise et se laisser porter. Bien évidemment, cela ne répond pas du tout à la question de ce papier, et j’en suis navré. Et si j’étais largué ? Absolument (il y a un petit peu de fièvre ici et là me semble-t-il, et si c’était la maladie ?).
YEAH # Le 4 mars 2016 à 10:12
Comme le moteur de l’esprit scientifique et même de l’esprit religieux, il existe une propension chez l’être humain à vouloir trouver des explication rationnelles à ce qu’il ne peut pas comprendre. Pour le fan, c’est pareil. Chaque petite trou inexpliqué dans un scénario lui laisse un vide qu’il se sent le besoin de combler, d’expliquer.
Alors que ce trou soit laissé par les auteurs volontairement (comme dans les Souls avec leur narration fragmentée qu’il faut assembler comme les pièces d’un puzzle qui sera toujours incomplet) ou bien involontairement (comme dans Final Fantasy 8, cela m’étonnerait au plus haut point si les scénaristes avaient effectivement échafaudé une telle mythologie pour leur jeu, bien qu’elle fasse quand même sens, mais ce n’est qu’un avis personnel), l’important, et le beau, dans toute cette affaire de "et si", est que l’univers du jeu, du film ou du livre continue à exister en dehors de lui même, dans la tête de ceux qui ont pris du plaisir à s’y plonger.
En tant qu’auteur, je trouve que c’est là une belle récompense.
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