Donc, sur Twitter, un professeur de philosophie du nom de René Chiche a pris position contre l'éducation aux médias à l'école, et lui oppose la lecture de "vrais livres". A ses contradicteurs, il a été encore plus explicite dans son mépris des médias, en particulier les mangas et les jeux vidéo (merci cKei et sop, dont je suis la tweet list, mais en fait... non, pas merci).
Dans le cas de ce gus, pas la peine de répondre, qu'on le laisse s'agiter tout seul puisqu'il ne représente que lui, n'engage que lui, n'amuse que lui et n'a aucun pouvoir réel de nuire aux médias qu'il exècre. Sachant qu'il a un homonyme journaliste et producteur de télé qui a écrit un livre sur Kev Adams et un autre sur Cyril Hanouna, je pense que le fait d'être confondu avec son homonyme suffirait comme punition.
Par contre, en ce qui concerne l'éducation aux médias, j'ai de très mauvais souvenirs d'il y a une dizaine d'années, quand je suivais l'actualité des "media literacy consultants" américains et canadiens, que ce soient des individus (Jacques Brodeur, Rose Dyson, l'allemande Sabine Schiffer...) ou des associations où l'on retrouvait justement ces individus (Acme Coalition, Center for Media Literacy, Common Sense Media, Campaign for a Commercial-Free Childhood, Edupax, etc...). Dans la plupart des cas, ces "éducateurs aux médias" se donnaient en fait pour mission d'éduquer
contre les médias. Ou plutôt, ils étaient contre les industries créatrices/productrices de ces médias, et contre les mauvais messages véhiculés par ces industries, à savoir la violence, le sexisme, le racisme, le consumérisme, etc...
Ce qui, dans le fond, avait du sens, et en a toujours d'ailleurs, si l'on considère le poids énorme des grosses corporations que sont les industries culturelles. Il faut être critique des médias que l'on aime, ça ne me pose aucun problème. Et ces individus et associations avaient le plus souvent des messages positifs à faire valoir, à savoir : regarder les films et émissions de télé avec un oeil et un esprit critiques, décoder les messages cachés, ne pas se contenter d'être un consommateur, mais un citoyen, voire un producteur amateur... Les slogans à la mode étaient alors :
"stop agonizing, organize", et
"don't hate the media, be the media". Et c'est comme ça qu'on apprenait aux enfants à réaliser leurs propres films, leurs propres clips, leurs propres émissions de télé, etc... tout ça bien avant l'arrivée de YouTube.
Le problème, le gros problème, c'est que dès qu'on parlait de jeux vidéo, le message changeait. Il n'était sourtout pas question d'apprendre aux enfants à programmer ou concevoir un jeu, puisque c'était considéré comme un objet par essence marchand et appartenant à une des plus grosses industries culturelles, donc quelque chose d'intrisèquement néfaste produit par une "Industrie" prédatrice, en elle-même et dans sa totalité. Il n'était pas davantage question d'apprendre à jouer avec un esprit critique, ou même à sélectionner les "bons" jeux. Rien de tout ça. Il fallait plutôt se détourner, sinon des jeux vidéo dans leur totalité, au moins de ceux qui étaient considérés comme "violents". Il fallait, sinon arrêter totalement de jouer, au moins limiter drastiquement sa consommation.
On me dira : ils disaient la même chose des films, émissions et clips "violents", à savoir qu'il fallait s'en détourner, voire éteindre la télé de temps en temps pour faire autre chose.
"Décrocher des écrans pour apprendre à les maîtriser", comme ils disaient. Mais il ne s'agissait pas de se détourner complètement des médias eux-même, seulement les pires contenus, qu'on devait contrebalancer en créant les siens. Dans le cas des jeux vidéo, j'ai eu beau éplucher leur discours, je n'ai jamais lu un tel message, au contraire. A part débrancher la console pour de bon, et se détourner complètement du JV, ils n'ont rien à proposer.
Pendant des années, j'ai suivi le fil d'actualité de Jacques Brodeur, qui a popularisé les "10 jours sans écran" dans les écoles françaises et québécoises (voir ici :
http://jacbro13.com/colloques/ ). Si vous vous demander d'où viennent ces âneries sur les jeux vidéo qui "atrophient le lobe frontal", ont des "effets délétères", ou "endommagent le cerveau", il ya de bonnes chances que ça vienne de lui. Après plus d'une décennie à le suivre, à le lire, et ce faisant, à boire un bol d'ondes négatives tous les jours, j'ai fini par arrêter d'aller sur sa page parce qu'à force j'en avais marre. De toute façon, vu l'absence d'actualité sur les jeux violents, ainsi que l'évolution de mon travail, plus rien ne justifiait un "régime mental" aussi toxique.
Tout ça pour dire que ces souvenirs cuisants sont, en ce qui me concerne, une raison de me méfier de "l'éducation aux médias". Il y en a d'autres, en particulier la peur que ce soit mal ficelé, mal fichu, fait à la va-vite, en manquant de temps et de moyens comme pour tout ce qui concerne l'éducation. Mais des soi-disant "éducateurs aux médias" qui éduquent en réalité à l'ignorance totale, au mépris, voire à la haine de ces médias, j'en ai soupé.