J'aimerais démarrer un nouveau topic consacré à la relation qu'on entretient avec nos proches (parents, conjoints, amis, collègues...) qui ne jouent pas aux jeux vidéo, voire qui n'aiment pas les jeux vidéo. Ou plus précisément, j'aimerais explorer ici l'espèce de "ménage à trois" auquel on est parfois confrontés avec notre loisir et les gens de notre entourage qui y sont hermétiques, voire franchement hostiles. Quitte à explorer toutes les contradictions derrière cette hostilité.
De mon côté, j'ai deux exemples majeurs qui me viennent en tête : feu mon grand-père, et ma chérie.
Commençons par mon grand-père. Ingénieur électronicien de formation, il a essayé de nous initier très tôt à l'informatique, mon grand frère et moi. J'avais 8 ans quand, vers la fin des années 80, il nous a offerts notre premier ordinateur, un MSX, qui n'a finalement servi qu'à jouer. Mais son objectif était qu'on apprenne à programmer par nous-mêmes. Il a même acheté un logiciel de programmation en Basic, avant de refaire un tutoriel pour faire bouger un sprite et nous le montrer pour qu'on le refasse à notre tour. Échec total en ce qui me concerne, vu que je ne pensais qu'à jouer (j'étais vraiment un petit con, quand on y pense). Mais j'ai encore le souvenir des vieux carnets sur lesquels il avait écrit toutes les lignes de code, ainsi que les croquis qu'il avait fait pour montrer le résultat attendu.
Par la suite, il m'a acheté plusieurs consoles et ordinateurs, avant que je gagne moi-même ma vie suffisamment pour me les payer moi-même. Il n'a jamais eu d'objection à ce que je joue aux jeux vidéo, il n'a pratiquement jamais eu d'objection à ce que j'y passe de plus en plus de temps (une engueulade par-ci, une remontrance par-là, puis il a complètement lâché l'affaire), mais il était déçu que je n'essaie pas de programmer moi-même avant que je finisse par faire des études d'informatique. En tout cas, passé le côté initiation à la prog, le jeu vidéo ne l'a jamais intéressé, et plus ils ont gagné en prouesses techniques, moins ça l'a intéressé. De temps en temps, je lui montrais de beaux paysages tirés du premier Witcher ou de Skyrim et il regardait ça d'un oeil distrait. Mais ça n'allait pas plus loin, et de toute façon je voyais mal comment partager cette culture avec lui (ce n'est pas quelque chose que je souhaitais, de toute façon).
Après la mort de sa femme, il m'a demandé de l'initier au fonctionnement d'un ordinateur, vu qu'il n'y avait plus touché depuis l'époque du MSX. Je lui ai appris à manier une souris, à naviguer sur Internet, à écrire dans un fichier texte, à envoyer un mail... Le reste, il l'a fait et découvert tout seul, et très vite, il est devenu un pro de la retouche d'images. Il a d'ailleurs consacré plusieurs années à "remastériser" ses vieilles photos et diapositives, qui en avaient bien besoin. Mais il m'a clairement dit que jamais il ne se mettrait aux jeux vidéo, et que ce n'était pas la peine que j'essaie. Pourtant, une fois son travail de remastérisation terminé, il lui a fallu trouver d'autres occupations. Et comme son état de santé s'est dégradé au point qu'il ne pouvait plus s'adonner, ni au bricolage, ni au jardinage, il a passé de plus en plus de temps sur son ordinateur... à jouer. Oh, pas aux MMO, bien que ç'aurait été amusant de voir ça. Non, il se contentait de jouer au Solitaire et au Mah-Jong. Sauf qu'il a fini par leur consacrer l'essentiel de ses journées, et que si on voulait bien comptabiliser toutes ces heures passées dessus comme du "temps de jeu", il me battrait à plate couture. De là à dire que le "gamer" de la famille, c'était lui et pas moi...
Passons maintenant à ma chérie. Quand je l'ai rencontrée, c'était sur un site de rencontre estampillé "pour geeks". Elle-même ne se définissait pas comme telle, mais elle avait beaucoup de passions apparentées aux geeks, notamment la littérature fantasy et les films de zombies (sans oublier les trilogies tolkiennesques de Peter Jackson, les Star Wars, Game of Thrones et j'en passe). Par contre, sur son profil, elle a annoncé clairement la couleur en ce qui concerne les jeux vidéo : elle ne les aimait pas et elle n'avait jamais eu de console, sauf éventuellement la Wii. Par la suite, quand on est sortis ensemble, elle m'en a dit un peu plus.
Elle a grandi dans une famille militant à gauche, qui avait une haute idée de la Culture avec un grand C. Et cette "haute idée" excluait complètement tout un pan de la culture commerciale, en particulier TF1, les films de/avec Sylvester Stallone, et le jeu vidéo sur consoles. Autant de choses qui lui étaient interdites et qui lui étaient présentées comme foncièrement méprisables, abrutissantes et nuisibles pour l'intelligence. Ce n'était même pas une question de violence, parce qu'elle est fan de films d'horreur et de zombies. C'est juste un mépris, voire une haine, qu'on peut qualifier d'idéologique, et qu'on lui a inculqué dès l'enfance. Bonne fille, elle a intériorisé cette haine jusqu'à ce jour, même s'il y a eu quelques exceptions. Tout d'abord, elle a pu s'essayer chez des ami(e)s à quelques jeux sur Megadrive, dont Aladdin, qu'elle a beaucoup aimé parce que c'est une inconditionnelle de Disney. Ensuite, aux Etats-Unis, elle a beaucoup pratiqué les jeux de course sur borne d'arcade, et elle était très douée, au point de battre les garçons de son entourage (qui le prenaient parfois très mal, ce qui la confortait dans l'idée que le jeu vidéo pouvait rendre con). Quand la Wii est arrivée, elle a pratiqué quelques jeux de sport dédiés, dont le bowling. Et enfin, dernièrement, elle s'est prise de passion pour Ticket to Ride (l'adaptation du jeu de plateau Les Aventuriers du Rail), qu'elle pratique assidûment sur sa tablette, au point parfois de se demander si elle n'est pas accro.
Quand on est ensemble, on parle assez peu de jeu vidéo. Et comme on ne vit pas encore sous le même toit, elle ne m'a jamais vu jouer, et je me garde bien de "geeker" sur ma machine en sa présence. En revanche, elle sait que je suis un passionné, et que je caresse l'espoir de créer mes propres jeux un jour, et elle respecte ça. De plus, elle n'a aucun problème à ce que je lui parle de temps en temps d'un jeu qui m'a plu, puisqu'il y a beaucoup d'affinités entre les films qu'elle regarde, les livres qu'elle lit, et les jeux auxquels je suis susceptible de jouer. Par exemple, elle a beaucoup aimé les films Resident Evil. Et surtout, comme je suis un immense fan des Witcher et que j'ai découvert les romans d'Andrzej Sapkowski grâce à leurs adaptations vidéoludiques, j'ai passé les bouquins à ma chérie, qui depuis est devenue une grande fan de l'univers du sorceleur. Du coup, je peux lui parler de quelques anecdotes de Witcher 3, et elle m'écoute avec plaisir. De même, je lui ai parlé de Her Story, et ça l'a intéressée. Cela dit, j'ai eu moins de succès quand je lui ai parlé de KOTOR à notre sortie de Star Wars 7, et elle m'a déjà avertie que ce n'était même pas la peine d'essayer de la mettre aux jeux vidéo. Cela dit, je ne perds pas complètement espoir, même si ça ne me pose pas tellement de problème qu'elle reste à jamais hermétique à ce loisir. On s'aime, et on a un tas d'autres points communs qu'on peut partager.
Et vous ? Quelle est votre expérience avec vos proches non-joueurs (et éventuellement joueurs) ?